Pour libertaire ou anarchiste que l'on soit, il n'en faut pas moins vivre dans son sicle, compter avec les populations contemporaines. On peut entrevoir la grande et libre cit humaine, la cit de l'avenir, mais on ne peut y aborder qu'en passant sur le corps de plusieurs gnrations. Trop de masses ignorantes encombrent encore la route qui y conduit pour oser esprer y pntrer d'un bond; aussi, anarchistes ou libertaires, nous faut-il, pniblement, de l'paule et du coude, nous ouvrir un passage travers cette cohue moutonnire et lui frayer elle-mme une voie pour la faire s'avancer notre remorque au dbarcadre du monde futur, aux premires stations de la socit harmonique; et cela uniquement par l'entranement de notre marche. L'exemple, la pense qui agit, la force d'initiative est plus puissante en rvolution que le commandement, la pense qui s'immobilise, la force de compressibilit. Les hommes bruts, les simples et les faibles d'esprit, comme tous les enfants, sont toujours plus disposs singer la conduite de leurs moralisateurs qu' se conformer leurs leons. Il y a un instinct naturel qui fait que l'homme le plus chtif se rvolte toujours contre celui qui veut lui imposer sa domination par la violence. La violence dictatoriale, comme il a t dmontr prcdemment, ne peut rien pour le bien, le voult-elle. La tyrannie, ft-elle dmagogique, n'est pas de nature faire avancer la peuple vers le Progrs, mais le faire reculer. Quel que soit la morsure des chiens et les coups de gaule du berger, on verra toujours le troupeau d'hommes ou de mouton, le troupeau de btes refuser obstinment de franchir le ruisseau dont le cours l'effraye, y eut-il ncessit de salut public le franchir; tous se laisseraient plutt immoler les uns aprs les autres que de cder la brutale, l'arbitraire pression...
Joseph Djacque est un militant et crivain anarchiste. Il a cr le nologisme libertaire, par opposition libral, dans son pamphlet De l'tre-Humain mle et femelle - Lettre P. J. Proudhon publi en 1857 La Nouvelle-Orlans.